Le handicap, une expérience psychocorporelle avant tout
Le handicap ne se réduit pas à une déficience ou à une perte de capacité. Il s’agit avant tout d’une expérience vécue, à la fois corporelle, psychique et sociale.
Comme l’a formulé Patrick Fougeyrollas (Université Laval), le handicap est « le produit des interactions entre la personne et son environnement ».
Accompagner une personne en situation de handicap, c’est donc prendre en compte son ressenti, son vécu intérieur, et non seulement ses limitations fonctionnelles.
De nombreuses recherches en sociologie du handicap (Thomas, 2007 ; Shakespeare, 2013) insistent sur l’importance de la résilience, du sentiment d’appartenance et du regard social. L’équilibre psychique dépend en grande partie de la façon dont la personne est perçue, soutenue et intégrée dans son environnement.
Références :
Carol Thomas – Sociologies of Disability and Illness (2007)
Tom Shakespeare – Disability Rights and Wrongs Revisited (2013)
Patrick Fougeyrollas – Le Processus de production du handicap (1998)
Sexualité et handicap : sortir du tabou, retrouver le plaisir
Le corps handicapé a souvent été désérotisé par le regard social. Muriel Salle (Université Lyon 1) parle d’un « double silence » : celui qui entoure le corps, et celui qui entoure le plaisir. Pourtant, la sexualité fait pleinement partie de la santé globale, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2002).
Les travaux de Kareen Mallet et Marc-Antoine Drouin montrent combien les approches psychocorporelles (respiration, relaxation, yoga adapté) peuvent aider à restaurer la confiance corporelle, la régulation émotionnelle et la redécouverte du désir.
La yogathérapie, notamment, permet de renouer avec les sensations et de retrouver un rapport apaisé et vivant à son propre corps.
Références :
Kareen Mallet – Sexualité et handicap : repenser l’accompagnement (Érès, 2021)
Marc-Antoine Drouin – Le corps vécu dans le handicap (PUQ, 2017)
Muriel Salle – Le corps empêché : sexe et handicap, un tabou français ? (Seuil, 2019)
Violences sexuelles : une réalité encore trop fréquente
Les études internationales sont sans appel : les personnes en situation de handicap sont beaucoup plus exposées aux violences sexuelles.
Selon une méta-analyse publiée dans The Lancet Public Health (Hughes et al., 2012), les femmes handicapées ont un risque trois à quatre fois plus élevé d’en être victimes.
Les facteurs de risque sont multiples : dépendance à l’aidant, isolement, difficulté d’accès à la parole et au consentement, stéréotypes de vulnérabilité.
En France, Maïa Brami et Catherine Agulhon ont montré que la sous-déclaration reste fréquente dans les établissements spécialisés, souvent par peur de perdre un soutien vital ou d’être stigmatisé.
Références :
Hughes K. et al. (2012) – The Lancet
Brami, M. & Agulhon, C. (2019) – Violences faites aux femmes en situation de handicap (ENS Éditions)
MacArthur J. et al. (2021) – Trauma, Violence & Abuse
La yogathérapie : restaurer la sécurité corporelle après le trauma
Le psychiatre Bessel van der Kolk (The Body Keeps the Score, 2014) et le thérapeute David Emerson (Trauma Center, Boston) ont démontré que la régulation corporelle — respiration, ancrage, mouvement conscient — aide à réduire les symptômes de dissociation et d’anxiété post-traumatique.
Chez les personnes en situation de handicap, la yogathérapie adaptée permet une réparation psychique par le corps. Elle aide à :
se reconnecter à ses sensations,
rétablir un schéma corporel cohérent,
apaiser le système nerveux autonome,
retrouver la sensation de sécurité intérieure après une période de dépendance ou un vécu de violence.
Références :
Bessel van der Kolk – The Body Keeps the Score (2014)
David Emerson & Elizabeth Hopper – Overcoming Trauma through Yoga (2011)
Emmanuelle Villemain – Le corps, ce lieu de soin : handicap, yoga et accompagnement psychocorporel (Érès, 2022)
Conseils aux institutions et aux professionnel·les
Les structures médico-sociales, les associations et les établissements de soin ont un rôle essentiel à jouer dans la prévention et l’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Une approche intégrative, articulant corps et psyché (sexothérapie, yogathérapie, thérapie du trauma, psychoéducation), permet de :
renforcer l’estime de soi et la qualité de vie,
prévenir les violences et la dépendance affective,
favoriser une sexualité inclusive et respectueuse du consentement.
Je propose aux institutions :
des accompagnements individuels ou en petits groupes (psychothérapie, yogathérapie adaptée, travail sur la sexualité et la relation au corps),
des formations ou conférences autour de la prévention des violences sexuelles,
la co-construction de programmes intégrés et inclusifs, adaptés aux publics concernés.